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Le vertige de la décision et du coaching

Posted by: admin | Posted on: September 25th, 2012 | 0 Comments

Accoudé au balcon de mon cinquième étage, j’ai ressenti une sorte de vertige. Comme une apesanteur intérieure, un sentiment diffus de peur et d’excitation, d’ivresse et de nausée. Le vide sous mes yeux, les pieds bien posés au sol, la rambarde me retenant, j’ai vécu cette position comme un risque immédiat d’une dangerosité extrême. Ces secondes curieuses sans fondements aucuns, m’ont fait penser à ce saut que nous craignons de faire car nous le savons irréparable et qui pourtant nous attire par la liberté totale qu’il nous apporterait et contre lequel nous sommes retenus par la préscience que l’avenir nous échapperait à l’arrivée.
C’est dans ces instants éphémères que nous hésitons à “franchir le pas”, nous sommes, à ce moment précis, schizophrènes balançant entre le risque et son cortège d’expériences extrêmes et la raison castratrice du futur dans lequel nous voudrions vivre.
Cela me fait penser à tous ces dirigeants que nous accompagnons pour les “aider” dans leurs prises de décisions. Surpris que nous sommes de leurs atermoiements, de leur lucidité défaillante, de leur manque de recul, bref de tout ce qui nous semble évident dans la décision à prendre. Mais alors que se passe-t-il ?
Lors de l’épisode de mon balcon, j’étais seul, mon vertige n’entraînait que ma propre personne, et c’est sans doute l’inconscient révolté par tant d’égoïsme qui a projeté l’image de tous les autres pouvant être affectés par une telle expérience qui a fait pencher la balance du côté de la raison.
Le manager est dans un état de vertige face à une décision stratégique à une différence notable près: il est à ce moment porteur du futur des autres, il incarne un collectif. Plus ce groupe qu’il représente est divers, plus la décision est difficile à prendre. Doit-il représenter les intérêts de la rentabilité capitalistique? Ceux des employés impactés? Ceux de son propre avenir?
La réalité est un savant mélange de tous ces enjeux. Lequel de ces enjeux fera pencher la balance en faveur de telle ou telle décision ?
C’est souvent en constatant les effets de la mise en place d’une décision que nous portons un jugement sur le bien-fondé de celle-ci. Ce regard critique évolue lui aussi avec le temps, car la conséquence jugée néfaste à court terme peut se révéler utile à moyen terme et inversement.
L’accompagnant (le coach pour faire plus anglo-saxon et moderne) quant à lui se doit d’éclairer le manager sur ce futur dans une posture spécifique et délicate. Son recul par rapport à son engagement dans l’après décision lui permet une projection analytique plus sereine, mais ce recul ne lui permet pas d’appréhender les poids respectifs de chaque composante dans le tiraillement moral du manager accompagné. En effet c’est bien une question de morale qui à cet instant va devenir l’enjeu de la décision. Ne voit-on pas des chefs d’entreprises vilipendés en place publique par leurs employés pour avoir pris telle décision (affaire Doux dernièrement), ne voit-on pas la révolte orchestrée par les organisations représentatives pour s’élever contre l’impact d’une décision affectant le nombre et le quotidien des employés des entreprises concernées (la liste en France -et ailleurs- est trop longue pour être ici notée , citons par exemple: Carrefour, Continental, Peugeot Citroën, etc.), ne voit-on pas la détresse de milliers de gens mis à la rue faute de pouvoir assumer des remboursements excessifs (subprimes) critiquer un système qu’ils encensaient auparavant?
Tout ceci a un point commun. Les décisions prises ont-elles été les bonnes? Si nous en revenons à notre réflexion préliminaire, nous pouvons dire que le plateau de la balance choisi fut celui de la vision financière, cependant cette vision a-t-elle été pesée à l’aulne du court terme ou du moyen terme?
Les dirigeants interrogés sont de deux natures principales:
Les premiers arguent que l’avenir de l’ensemble de l’entreprise (pour ceux qui restent) se joue dans les capacités que nous créons maintenant (ne pas obérer la capacité de développement en gardant un fardeau dont la fin est proche: obsolescence de l’outil, mort annoncée du produit, investissement dans les trends visibles, impossibilité de lutte contre un concurrent, etc.).
Les seconds se réfugient derrière un besoin de performance permanent lié aux exigences d’un marché vivant dans l’immédiateté (la bourse comme chantre de l’éphémère, mais qui a bon dos quand nous pensons aux pressions exercées par les actionnaires de toutes les entreprises cotées sur le second marché ou non cotées).
Posons-nous la question une fois encore de la morale nécessaire au chef d’entreprise et pourquoi pas à celle de son accompagnant. Cette question rejoint, à mon avis, celle de l’indépendance. Jusqu’à quel point la décision se doit-elle d’être percluse des contingences imposées par les autres?
-Jusqu’au point où la morale personnelle de celui qui prend la décision (et de celui qui l’accompagne) dans celle-ci serait altérée.
Et le vertige revient……. D’un coup le poids de son propre avenir devient plus lourd, va-t-il l’emporter? Ou, dans un monde qui deviendrait idéal, la moralisation de notre société viendra de ses acteurs et non plus des législations mises en place pour tenter de suppléer aux facilités de prises de décisions derrière les paravents de l’éloignement des lieux de pouvoirs ou le carriérisme de leurs acteurs.

Henri Jean Tolone
Expert en négociation
http://www.negoformation.eu

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